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  • lundi 17 mars 2025

    Journal de bord 18/03/2025 Traditions Éphémères, Mémoire Éternelle

    “Dans chaque plat partagé se tisse le fil d'une tradition, la saveur d'un héritage.”

    Moi (lol) / Juste entre nous 2

    Notre actualité : 
    Une semaine ensoleillée, véritable tableau vivant, où Chloé s’épanouit dans l’effervescence des connaissances ! Ce jeudi, elle n’a pas seulement assisté au cours ; elle l’a véritablement illuminé. Son audace, loin d’être anodine, l’a incité à revendiquer sa place parmi les autres étudiants, répondant à chaque question avec une aisance qui forçait l’admiration, m'a-t-elle fait comprendre. Les heures de révisions que nous avons patiemment cultivées ensemble semblent fructifier, et son sourire, éclatant tel un soleil levant, se dresse comme une promesse d’avenir radieux.

    De mon côté, mon stage, ancré au cœur de cette institution, devient un espace où l’équipe m’accorde une confiance précieuse. Ils me confient les responsabilités que j’ai acquises, reflet des six années d’internat que j’ai vécues. Dans cette danse harmonieuse entre savoir théorique et pratique concrète, mes révisions se mêlent habilement à la réalité du terrain, et je ressens que mes efforts, tels des semences plantées avec soin, commencent enfin à porter leurs fruits, enrichissant en même temps mon parcours et mon esprit.

    Je tiens à vous offrir ces mots, chers amis, en vous exprimant ma profonde gratitude pour l'abondance de vos messages emplis de bienveillance à l'occasion de mon anniversaire. Comme le disait Zabeth avec sa verve inimitable : "Look at her, she's getting so big now !" Ce propos, au-delà de sa signification littérale, pourrait se traduire par "C'est qu'elle se fait grande maintenant." Et je me réjouis de cela, car j'évolue encore dans cette période où l'on ne m’assimile pas aux catégories des âges avancés, ce qui, en soi, mérite d’être célébré. Le temps, ce compagnon à la fois ami et ennemi, se montre aujourd'hui presque docile, et pour cela, je lui rends hommage.

    Un anniversaire ne se résume pas à une simple date sur un calendrier : c'est un moment empreint de signification, d’interconnexion, de joie et de souvenirs partagés qui nous unissent, Chloé et moi, dans une communion indéfectible. Dans le cadre rigide de nos vies modernes, il nous a semblé plus sage de célébrer mon anniversaire ce samedi, par souci de commodité. Mais peu importe le jour, l'essence de cette célébration réside dans la chaleur de vos pensées et dans la richesse de nos échanges. Que serait la vie sans ces instants précieux ?

    Ce matin d'anniversaire, les premières lueurs de l’aube m’ont incitée à me lever tôt. Mon corps a été emporté par une vague de vitalité lors de mon running matinal, où je parviens, ne serait-ce qu’un court instant, à me libérer des chaînes du quotidien. Après cet effort, j'ai pris le temps de savourer un repas tout en lisant ; ces moments d'intimité avec moi-même sont précieux et si rares. Actuellement, je me délecte de Les Renaissances d’Agnès Martin-Lugand. Sa plume, à la fois délicate et puissante, m'entraîne dans une exploration de l'humanité, un kaléidoscope d'émotions mêlant amour, jalousie et regrets. Cette immersion me rappelle que, derrière chaque choix, se cachent des échos de vies passées, des aspirations et des sentiments intimes qui définissent notre existence.

    Chloé a jeté son dévolu sur La Dame de Pic, ce sanctuaire où nous nous retrouvons, véritable royaume de sensations pour deux âmes sœurs, véritablement princesses dans un monde qui peine à reconnaître notre éclat (lol). En guise d'ouverture, la maison nous a gracieusement offert deux coupes de champagne, geste qui, apparemment, s'est installé parmi nos rituels, un signe que la vie peut, parfois, nous combler de douceurs inattendues. Le déjeuner, une fois encore, s'est déroulé dans l’harmonie parfaite des saveurs et des instants partagés. Quand l’heure du dessert a sonné, pour mon anniversaire, Chloé m’a offert un bijou si éclatant qu’il semblait capturer la lumière même : un bracelet de cheville en or, fruit de la collaboration entre elle et Lorenz. Je le porterai avec fierté, symbole de notre amour indéfectible et de notre union sacrée, délicatement enraciné à ma cheville gauche, reflet de notre vie commune et de la complicité qui nous unit à jamais.

    Puis, il y a eu ce dernier petit cadeau, scintillant de promesses : la flottaison en isolation sensorielle, une expérience inédite pour célébrer mon anniversaire. Éloignée des tumultes de la vie quotidienne, cette méthode plonge nos corps dans une eau saturée de sel, à la température même de notre peau. Bien plus qu'une simple expérience, cela fut une révélation. Dans ce cocon aquatique, notre poids s'est dissout, tout comme nos pensées qui s’effacèrent peu à peu, libérant nos esprits. Dans cet état de détente ultime, nous avons découvert une harmonie insoupçonnée, une sensation de plénitude où le bien-être qui nous enveloppait comme une douce caresse… 

    Une soirée enveloppée par les murs familiers de l'appartement de mes parents, où nous avons partagé une longue partie de Scrabble, avant de nous abandonner aux bras apaisants de Morphée. Le dimanche, nous avons mangé et fêté mon anniversaire chez mes beaux-parents. L'après-midi a naturellement pris la suite de cette douce intimité, mais cette fois agrémenté d’un soupçon de révisions savamment dosées. C'était une promesse de sérénité partagée, un mariage délicat d'effort et de douceur, où l’apprentissage se mêle aisément au repos. Une danse harmonieuse entre le jeu et le savoir, comme une célébration de notre existence conjointe, dans la quiétude d'un week-end qui refuse de se laisser happer par l'agitation du monde extérieur, nous offrant un sanctuaire de paix et de complicité.

    Revenons sur notre séjour lillois :
    Permettez-moi de vous introduire, en quelques mots, les parents :

    Les parents d'Emily :
    Andrée et Philippe, commerçants de profession, propriétaires d'une vaste mercerie au cœur de Lille. De leur union est née Emily. Aujourd'hui, libérés des obligations professionnelles, ils goûtent aux douceurs de la retraite, appréciant le bonheur simple que leur procure leur maison à Lambersart (5 kilomètres de Lille). Dans ce refuge paisible, ils ont su établir un cocon rempli d'amour et de bienveillance, veillant sur Emily, Quentin ainsi que sur deux petites âmes qui viennent embellir et enrichir ce tableau familial.

    Les parents de Quentin :
    Odile, conservatrice et directrice des bibliothèques, incarne cette rigueur intellectuelle qui nourrit son engagement envers le savoir. A ses côtés, Patrick, notaire, évolue dans un monde de légalité et de contrats, une existence marquée par la précision des mots et des actes. Leur fils aîné, Quentin, se tient au seuil de la fratrie, professeur de mathématiques dévoué en école d'ingénieurs, marié à Emily, avec qui il partage la joie et les défis de l'éducation de leurs deux enfants. Odile et Patrick résident dans une maison à Mérignies, un havre situé à 19 kilomètres de Lille, où les échos de la ville se mêlent à la tranquillité d'une vie familiale empreinte d'affection et de responsabilité.

    A notre arrivée à Lambersart, les bras d'Andrée et de Philippe s’entrouvèrent comme des ailes protectrices, un geste instinctif qui témoigne de leur désir de m’accueillir, de rassembler. Ils me souhaitent la bienvenue chez eux et me disent que, s'il me manque quoi que ce soit, je n'ai qu'à demander…

    Ce premier repas de famille, tissé d'échanges et de rires, s'annonce comme un instant précieux, une communion entre des vies qui, bien que distinctes, se croisent et s'entrelacent dans la toile de l'existence.

    Andrée nous donne un vrai cours sur "La carbonade flamande", que nous nous apprêtions à partager. Elle est le symbole culinaire de notre nouvelle famille et, sans conteste, la spécialité la plus vénérée des Flandres, tout comme le bœuf bourguignon. Ce plat ne se limite pas à un simple mélange d’ingrédients ; il incarne les récits et les souvenirs d’un temps révolu, un hommage aux traditions culinaires que leurs ancêtres ont su préserver avec soin et passion. La recette vient de la grand-mère de la mère d’Emily, qui, selon la légende, la tenait déjà de sa propre grand-mère. C’est cette lignée de femmes tissant l’histoire au fil des générations que nous allons célébrer ensemble. On dit qu’Emily maîtrise ce plat avec brio. Cependant, il est vrai que nous n’avons pas encore eu l’occasion de savourer ce délice… (Je vais murmurer qu’avec Chloé, nous croyons que ce que nous goûtons !).

    Andrée souligne que Chloé et moi, en vertu des obligations familiales qui nous lient à eux, nous sommes appelées à acquérir l'art de confectionner ce plat avec une minutie digne de la perfection. Comment pourrait-on un jour espérer savourer mes élucubrations culinaires ? Pour moi, la cuisine, cette jungle impitoyable, est un lieu de chaos où rien n'est clair. D'ailleurs, comment prononcez-vous cet accessoire fondamental : Une poêle ? Une… pouèle ? Une… pouale ? Une poile ? La langue se perd tout autant que moi entre les plats ! Ajoutons à cela le fait que, lors de mes rares tentatives avec Maria, de petites gouttes d'huile semblaient se liguer contre moi, comme si elles avaient une vendetta personnelle ! Et quand je pénètre dans une cuisine, sachez que même les œufs, innocents au départ, partagent mon état de désarroi… Ils sont tout aussi brouillés que mes efforts pour essayer de m’en sortir ! J’éprouve une profonde admiration pour ces femmes, véritables architectes du quotidien, qui, par la maîtrise de multiples recettes, parviennent à transformer le repas en un moment structuré, ritualisé et empreint d’harmonie. Leur talent réside non seulement dans la préparation des mets, mais dans cette capacité à élever l’acte de nourrir au rang d’un art où chaque détail compte et où la convivialité devient une célébration de la vie.

    Revenons sur "La carbonade flamande". Ce plat, à la fois doux et réconfortant, se dévoile comme une danse délicate entre le bœuf mijoté, l’oignon, la bière et les aromates, accompagné de ce pain rassis, imprégné de bière et subtilement saupoudré de sucre, plus une petite tranche de pain d'épice par personne. La viande, enveloppée dans une épaisse sauce d'un brun profond et envoûtant, offre l'intrigante complexité d’un accord sucré-salé, créant ainsi un véritable tableau gourmand. En accompagnement, des frites, emblèmes d'une friteuse qui tourne sans relâche à la recherche du croustillant idéal. Cette sainte femme, Andrée, avec sagesse et une touche d’exagération, ne manque jamais de me rappeler que nous sommes en France et non en Belgique, fustigeant le goût de la graisse de bœuf avec une détermination ancrée dans les profondeurs de son être. C'est sa façon de préserver l’authenticité de ses racines tout en naviguant entre les cultures…

    Alors… Goûter une "vraie" carbonade, c'est plonger dans une joie incommensurable, un instant suspendu où les sens s'éveillent dans une danse sensuelle. Ce plat, tel un véritable chaos organoleptique, va bien au-delà de la simple existence : il se révèle, subjuguant l’espace de son parfum envoûtant, une symphonie de nuances qui rend hommage à l’art culinaire d’Andrée, fruit d’un amour et d’une passion indéfectibles. La viande, elle, se détache d’elle-même, fondant sous le palais… un véritable délice. Le mariage des saveurs, le vin qui caresse le goût, vous plonge dans un tel ravissement que l’angoisse d’avaler vous étreint, tant vous désirez prolonger cette extase gustative en bouche. Dans cet instant, le plaisir devient une résistance à la finitude du moment, une quête de la durée face à l’éphémère.

    Dans la douce ivresse de ce repas partagé, où le rire et la boisson s'entrelacent comme des amants complices, Philippe, dans son rôle de chef de famille, a eu l'envie de nous faire part de ses réflexions sur la vie de famille. En s’adressant à Chloé et à moi, il a prononcé, avec la fermeté d'un père dont la voix ne tolère aucune contestation : « Vous aurez des devoirs. Participer régulièrement à ces rassemblements familiaux, et cela est non négociable. Andrée et moi, nous portons en nous le désir ardent de transmettre une culture et un savoir-être que nos petits-enfants doivent s'approprier lors de ces doux instants festifs. »

    Il a poursuivi en évoquant Léo. « Cet enfant qui, tout au long de sa vie, conservera dans sa mémoire l'éclat de Tata Chloé l’invitant à dessiner, à se blottir sur ses genoux et à tisser une toile d'affection autour de lui. Pensez à Tata Til, qui, à travers ses livres et ses promesses d'émerveillement, a ouvert un monde de découvertes. Mais le souvenir le plus cher, c’est celui de vos rires s’entremêlant, de cette chaleur fraternelle qui a régné sur cette soirée, et des regards complices échangés entre nous, ici, ensemble. »

    Dans ce rôle de parents élargis que nos vies ont tissé, Philippe a su se remémorer qu’Emily, avec la grâce du destin, a offert à leur cœur deux petits enfants (Léo et Justine) ainsi que deux enfants, Céline et Jean-Charles, marraine et parrain de Léo, qui sont désormais des membres à part entière de la tribu. Son regard est revenu sur Chloé, notre artiste à l'âme douce, puis sur moi, me qualifiant de femme brillante, dont l'intelligence est une promesse d’aventure sans fin. Dans ce cercle familial se déploie une danse de relations vibrantes et essentielles qui affirme ce que nous sommes et ce que nous léguerons. Voilà notre héritage… Voilà notre avenir.

    Ce que nous transmettons va bien au-delà d'un simple acte : c’est également la somme de notre temps. Ce temps que son épouse consacre à la cuisine et à la préparation de mets qui deviennent de véritables offrandes, puis ce temps partagé autour d'une table où la convivialité s'entrelace avec la vitalité humaine. Les années s’accumulent et tissent un lien invisible mais indéfectible ; un temps qui, s'il est véritablement offert à autrui, doit perdurer au-delà des saisons et des circonstances.

    Ces moments de partage ne sont pas figés ; ils évoluent avec nous. Les conversations prennent forme, s'ornent de l'actualité et des préoccupations de chaque époque. La réalité est que ce qui demeure souvent non-dit s'efface lentement de notre mémoire collective, se dissout dans l'oubli. Les repas, eux, sont les témoins d'un regard changeant sur une existence en devenir : d'abord l'émerveillement innocent d'un enfant face à l’inconnu gustatif, puis la curiosité tumultueuse de l'adolescente, suivie par l'intuition aiguisée d'une jeune femme, celle d’une épouse, et enfin, le regard sage d’une mère qui transmet à son tour, perpétuant ainsi ce cycle éternel. Ce regard, ce temps, c'est la continuité de la vie, une délicate danse entre l'individu et l'autre, entre le passé et le présent…

    Après cette intervention éloquente, empreinte d'un cordial élan, un besoin pressant m'a saisie : celui de dissiper toute ambiguïté, afin que notre relation ne soit pas assombrie par le moindre malentendu. Certains d'entre vous pourraient me trouver un peu agressive ou sur la défensive, il est vrai, mais je préfère l'honnêteté. Toutefois, il ne fait nul doute que Chloé et moi serons enchantées de partager un repas en leur compagnie, entourées de l’ensemble de la famille. Cependant, attention : nous devons rester vigilants face à la douce tentation des gestes paternalistes qui, bien qu'adorables en surface, ne sauraient nous entraîner vers les abysses néfastes du patriarcat. Je ne souhaite pas que nous nous laissions guider vers ces méandres. Il ne m'est guère possible d'adhérer au modèle patriarcal. Ce cadre social, je le considère comme le terreau des discriminations, du sexisme et des inégalités entre les sexes.

    Je ne suis pas prête à accepter la domination d'un homme qui impose un ordre social et familial. Cette fameuse autorité paternelle, qui se drape avec une vertu illusoire de protection, me dérange profondément. Il est insupportable de devoir attendre le consentement d'un père pour tracer sa propre voie. Ce système patriarcal n'est ni naturel ni inscrit dans notre essence, il est le produit d'une culture. Il n'y a donc pas de déterminisme ; voilà une nouvelle réjouissante, car cela signifie qu'il peut être remplacé par un modèle plus juste, plus équilibré entre les sexes.

    Je lui demande de ne pas considérer ma réponse comme l'écho d'un discours féministe, mais plutôt comme l'affirmation d'une femme qui aspire à une société où règnent l'égalité et la liberté, tant pour les femmes que pour les hommes. Cette égalité de genre est, en effet, le ciment d'une cohésion sociale véritable. Une légère froideur s'est installée autour de la table. Plus un bruit autour de moi, j'étais un peu désolée pour l'ambiance, mais il était hors de question que l'on me fige dans un rôle subalterne ou que l'on cherche à m'assujettir.

    Après une période de silence interminable, Philippe a enfin trouvé le courage de s'exprimer. « Tu as raison, Til », a-t-il affirmé. « Mes mots ont manqué à capturer l’essence de ma pensée. En fin de compte, ma quête demeure résolument tournée vers votre bonheur à tous. C'est une véritable opportunité d'entendre ton point de vue aujourd'hui, car c'est dans cet échange, ensemble, que nous avançons réellement. Pour ma part, j'accorde ma préférence à ceux qui prennent le temps de partager leurs réflexions, plutôt qu'à ceux qui, engoncés dans le silence, s'en remettent à l'indifférence. Tu me rappelles ma fille, il y a quelques années. »

    En scrutant le visage d’Andrée, il m’a semblé qu'une nouvelle vie s'y était insinuée, soulagée d'accueillir la réponse de son mari. Presque instantanément, elle s'est empressée de nous entraîner vers une odyssée gastronomique, celle du fromage. Elle nous a alors présenté "le Vieux Lille", un fromage local dont le nom promet une rencontre inattendue. Ce délice, élaboré à partir de lait de vache, subit un traitement particulier : une pâte de Maroilles salée à deux reprises, laissée à mariner dans une saumure pendant des semaines, presque comme une molécule en attente de sa première immersion dans un monde inconnu. (Du moins, son odeur m’a transporté dans une autre dimension, cela ne fait aucun doute !)

    Céline, avec la sagacité qui la caractérise, proposa que Chloé et moi dressions un tableau descriptif de cette découverte avant d’accéder à la dégustation. Nous acceptâmes, conscients que ce jeu nous transformerait, le temps d’un instant, en clowns de service, et qu’il contribuerait à alléger l’atmosphère tendue du moment (je ne sais pas trop pourquoi du reste… hum…). La couleur, je dois l’admettre, ne se prête guère à l’admiration ; un grisâtre qui n’invite pas à la séduction, mais plutôt à la réticence. La texture, collante, semble tout aussi peu engageante, et l’odeur… Ah, cette odeur, elle transcende l'existence même, tant et si bien que Chloé, dans un mouvement d'une délicatesse presque insoupçonnée, s'est bouchée le nez avec ses doigts, face à nos hôtes. Elle a ainsi décliné l'invitation à se plier aux conventions, refusant de se soumettre à cette mixture que le monde prétendait lui imposer.

    L’hilarité gagna alors la tablée lorsqu’on nous annonça que ce fromage portait le doux nom de "Puant de Lille". Sa renommée est à la hauteur de son arôme, c’est certain (ça, j'aurais pu le deviner !). Un fromage des alpages, disent-ils, et peut-être n'étaient-ils pas loin de la vérité. Son odeur nauséabonde, si forte qu'elle en devient insupportable, justifie pleinement qu'on t'envoie au fin fond des alpages, loin des autres. Mais qu’importe ! A cette pensée, je me consolais, car, après une telle consommation, nul prétendant ne troublera mon chemin lors de notre sortie post-repas.

    Quant au goût, oh, quelle révélation ! Après une bouchée, je découvre que son intensité est quelque peu atténuée par une salinité presque écrasante, tel un ennemi qui, devant la défaite, se retire dans l’oubli. Mes papilles, quant à elles, ont choisi l’exil face à cette forteresse de saveurs. Dire que c'est mauvais serait un mensonge ; il semble tout simplement impossible d’éprouver quoi que ce soit, si ce n’est cette salinité pesante. Ce fromage, disent-ils, se marie à merveille avec une bière "frometon", que j’avoue ne pas connaître… qui s’avère être une bière blonde du Nord. Sinon, une Paulaner, une bière allemande, fait l’affaire. Après trois ou quatre bières, il est clair que le fromage devient bien meilleur… Toutefois, attention : si jamais vous trouvez que ce fromage sent soudainement bon, c’est que vous avez outrepassé le taux d’ivresse raisonnable.

    On me fait savoir que nous avons échappé à un sort bien plus redoutable. En effet, il aurait été fort à propos qu'on nous serve en dessert une "tarte au maroilles", un choix audacieux, certes, destiné à nous initier aux spécialités régionales. Cependant, reconnaissons-le, une telle option n’aurait guère honoré la délicatesse de leur expérience culinaire. Ma chérie a pris une décision résolue : « Quand nous serons réunis en votre présence, nous renoncerons définitivement à la consommation de fromage ».

    Andrée, dans un élan de générosité, a su égayer notre table en nous offrant, en guise de dessert, un délicieux gâteau moelleux, affectueusement baptisé "gâteau battu". Céline et Quentin, quant à eux, avaient pris soin d'apporter des chocolats pralinés de la Maison Méert, ces délicates douceurs prisées de leur région, accompagnés de deux bouteilles de champagne. Voilà de véritables amis ! Ainsi, nous avons évité la banalité d'un crémant ou d’un vin pétillant régional qui, bien qu’agréable, n'aurait pu rivaliser avec la richesse des plaisirs d'un grand champagne.

    A mesure que le repas touchait à sa fin, l’atmosphère s'est adoucie. Nous nous sommes abandonnés à des récits un peu grivois, des histoires qui faisaient rougir certains et éclater de rire d'autres, illuminant la soirée de moments légers qui renforçaient notre complicité. Ce repas fut une véritable réussite, chaque plat savouré et chaque sourire échangé attestant de la beauté des liens que nous tissons lors de nos rencontres.

    Êtes-vous donc si pressés de découvrir ma seule plaisanterie quelque peu osée ? Il s'agit de deux prostituées qui se disputent. Et voilà, l'histoire s'arrête ici ! (Oui, calembour ! Vous avez trouvé ? )

    Après avoir savouré les délices d'Andrée, apprécié la convivialité de cette belle famille et partagé de nombreux éclats de rire, nous, les jeunes, avons décidé de prolonger notre soirée par une escapade nocturne, une danse effrénée au cœur de la ville. 

    Andrée et Philippe nous ont invités à revenir les voir dès notre prochain passage à Lille. Gabrielle et Ivan nous ont engagé, presque avec une ferveur touchante, à franchir le seuil de leur foyer lors de notre prochaine visite. La promesse de ces deux repas partagés évoque une convivialité que Chloé et moi chérissons, mais elle nous pousse également à nous interroger avec une ironie souriante : quand, enfin, serons-nous en mesure de nous astreindre à un régime ?

    La fin de cette soirée pleine de surprises et la suite de nos péripéties lilloises sera dévoilée la semaine prochaine…

    A vous tous, je vous souhaite une excellente semaine.

    A Bientôt,
    Chlo & Til 

    7 commentaires:

    1. Arnaud3/18/2025

      Hello,
      Ravi d'apprendre que tout se passe bien pour Chloé et qu'elle est de plus en plus à l'aise. Tout ça est vraiment de bon augure pour la suite !
      Til, c'est super que tu puisses gagner en autonomie et que tu aies la confiance de tes collègues.
      La description du repas est savoureuse et le repas est sacrément alléchant !
      Une vraie carbonade flamande, quelle chance, sans parler des frites maison ...
      Mais quelle idée de mettre la climatisation en terre Nordiste mdr
      Bah bravo Til, ton honnêteté a encore frappé !
      C'est vrai que je trouve le speech traditionnaliste un peu too much mais chacun son truc.
      Vous êtes entre gens intelligents donc ce ne fut qu'une parenthèse, cool !
      Si je dois parler de ma propre personne, dans ma famille, je ne connais pas vraiment le patriarcat. Ce sont plutôt les femmes qui donnent le tempo. Dans ma vie privée, j'aime à tendre vers un équilibre. C'est essentiel pour moi et c'est ce que je trouve logique et sain.
      Mais je constate que cet équilibre n'est que peu respecté dans beaucoup de couples, penchant d'un côté ou de l'autre de manière trop prononcée à mon goût.
      Je pense que la quasi absence du patriarcat dans l'éducation forge une personnalité différente. Je me sens en inadéquation avec énormément de comportements masculins.
      Je les observe depuis tout jeune et je me dis parfois dans un élan de philosophie "Mais quelle bande de gros beaufs". Mdr
      Durant, mon parcours, j'ai entendu de telles horreurs telles "si elle n'avait pas su faire la cuisine, je ne me serais pas mis avec". Ah les Trente Glorieuses, quelle époque !
      Pour le calembour, c'est validé. lol
      Concernant le régime, vous pouvez adopter l'annonce officielle de la SNCF, "Votre attention s'il-vous-plait, en raison de difficultés d'organisation, le régime est annoncé avec un retard de ... , merci de votre compréhension."
      Bonne semaine et bon anniversaire !
      Le bonjour à Romain, Océane (bon voyage !) et à tous les lecteurs !
      Ciaociao

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      1. Coucou Arnaud,

        Je te remercie profondément pour ces encouragements qui résonnent en nous comme un souffle d’air pur, rafraîchissant notre esprit et nourrissant notre détermination. Les gardes, hélas, sont immanquablement empreintes d’angoisse et de stress, véritables épreuves qui jalonnent mon parcours de pédiatre.

        Cependant, je suis convaincue qu'avec le temps, cette angoisse finira par s’estomper, comme un brouillard qui s’élève sous les premiers rayons du soleil. Une certitude demeure, inébranlable : je suis fermement engagée à déployer tous mes efforts pour m’épanouir dans ce domaine si noble qu'est la pédiatrie. Chaque pas que je fais, chaque expérience que je vis, me rapproche un peu plus de cette authenticité qui nourrit mon rêve d’enfant que je chéris tant...

        Je t'ai toujours considéré comme un homme de valeur ! (Lol)

        Quant au père d'Emily, il aspire à revêtir le costume du patriarche, prisonnier de l'idée d'un foyer où ses proches l'entourent. Bien qu'il puisse sembler bienveillant, ses propos, à propos de son épouse, résonnent comme un écho critique de la société patriarcale, c’est pourquoi j’ai choisi d'établir les choses clairement dès nos premiers échanges, bien qu'il demeure un homme de bon fond. Tu verras que la suite de notre séjour à Lille ne sera pas un paisible long fleuve, surtout pour moi...  Bonne semaine et à demain sur le blog.

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    2. Anonyme3/22/2025

      Hi Til & Chlo,
      J'ai réalisé un peu tard que c'était ton anniversaire, Til, mais heureusement Interflora a été super rapide ! Ouf, sauvé par le gong. C'est vraiment génial, Chlo, bravo ! A première vue pour toi Til, la validation de ce stage a l'air d'être comme les autres : une évidence ! J'ai adoré ton récit sur le repas à Lille, donc je suis partant pour essayer certains plats, mais pas tous ! LOL, par contre, pour le vin, pas de souci, je suis là. Bonne semaine à toutes les deux à Arnaud et toute la communauté. L' Anonyme Romain

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      1. Coucou Romain,

        Un immense merci pour tes encouragements ! Ils arrivent comme de doux murmures, apportant avec eux un souffle revigorant. C’est avec une certaine légèreté que je me plonge dans cet exercice stylistique, cette quête de trouver une formule originale pour chacun d’entre vous.

        Je tiens également à te remercier du fond du cœur pour le magnifique bouquet que tu m’as offert à l’occasion de mon anniversaire. Ce geste résonne en moi avec une émotion particulièrement forte, touchant les recoins les plus profonds de mon être.

        Tu sais combien je suis rigoureuse ; tant que mon diplôme ne trône pas à mes côtés, rien n’est véritablement acquis. Si le repas t’a ravi, je ne doute pas que la soirée te comblera encore plus. En attendant, je te souhaite une excellente semaine et un bel article pour demain !

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    3. Anonyme3/24/2025

      Salut la bande,
      Deux petites minutes pour vous dire que je suis vraiment contente d'avoir NOTRE blog,  et Arnaud et Romain comme amis, qui me remontent le moral. C'est super Chloé !!!! continue à bien écouter Til, tu vas bientôt obtenir ton diplôme. Je vais proposer à tes amis de Lille, mon ex pour le plat principal et eux pour la tarte au fromage. J'en rigole encore ! Le repas m'a fait éclater de rire et j'attends la suite avec impatience. Arnaud, tes mots m'ont fait du bien, un gars sympa, bien, cool ça existe encore ? Est-ce que je peux te prendre en photo ? Je soupçonne que Romain a des parts chez Interflora, mais j'ai fait pareil Romain !Je vous kissssss tous très fort ! Bonne semaine. Pamplemousse rose.

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      1. Arnaud3/24/2025

        Si mes mots ont pu t’aider, j’en suis le plus heureux. Courage à toi, reste focus sur toi, ta santé et ton bien-être. On passe tous par des hauts et des bas. Prends soin de toi, c’est le plus important. Bises !

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      2. Coucou Océane,
        A première vue, le travail en Amérique du Sud s'apparente à un défi de taille. Il est indéniable qu'un voyage régulier dans ces contrées exige une certaine maîtrise de l'espagnol, une compétence qui, en somme, ne paraît pas si dénuée de sens. (MDR) Quant à l'éventuel repas que tu cherches à m'imposer, je le note avec une attention particulière. N'oublions pas que la vengeance se consomme, non pas à la hâte, mais bien froide, voire surgelée... (Clin d'œil)

        Je voulais prendre un moment pour te dire à quel point ton superbe bouquet d'anniversaire que tu as choisi pour moi est bien plus qu'un simple assemblage de fleurs ; c'est une véritable ode à notre amitié.

        Le prochain article paraîtra demain. Je te souhaite une bonne semaine.

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