• CONTACT
  • dimanche 5 octobre 2025

    Journal de bord 06/10/2025 Pulsion créatrice Résistance féminine Mobilité partagée.

    “Entre hésitation et fulgurance, l’art jaillit quand deux vies se choisissent et s’élèvent ensemble.”

    Chloé et moi, nous vous convions à découvrir les images de notre dernière Tilomobile en règle, puisque nous sortons du garage où l'on vient de nous fixer les plaques d'immatriculation.


    L’acquisition de notre Tilomobile : J’ai mon permis de conduire, Chloé non.  Aujourd’hui, cette machine est un horizon de bonheur pour nous — et je suis prête à l’énoncer : elle m’emplit d’une joie qui, certes, demeure teintée d’une certaine gêne, mes goûts étant plus austères que ceux de Chloé. Chloé, elle, fut séduite dès l’entrée chez le concessionnaire ; elle affirme qu’il nous serait désormais impensable de nous passer de ce véhicule, désormais que nous en avons été présentées. J’ai dû, comme on dira, « me battre » pour obtenir que notre véhicule soit blanc et non rouge — autant dire, pour que l’intention demeure, dans l’objet, fidèle à ce que nous sommes ensemble. 

    À peine avons-nous reçu notre bien que Chloé souhaitât en personnaliser l’habitacle. Je ne suis pas une adepte des ornements pendus aux rétroviseurs. Pourtant, pendant des mois, Chloé a œuvré, de ses mains, à fabriquer un talisman qui, suspendu au rétroviseur, rappelle que tout couple advient par échange et par amour. J’avoue, à contrecœur, que cette idée originelle ne m’enthousiasmait guère, la réalisation – comme tout ce qui porte l’empreinte de ma chérie – révèle une puissance créatrice et une justesse qui me désarment et me font craquer. Je vous laisse apprécier sur la photo où vous distinguerez mieux notre talisman dans notre  Tilomobile.

    Notre quotidien :
    Sur le versant du travail, rien de saillant ne vient troubler le cours des jours : Chloé s’y consacre avec une ferveur tranquille. Le télétravail, qui lui sied si bien, s’accommode pourtant mal de l’étroitesse de l’appartement ; mais elle en retire une discipline et une liberté qui semblent l’épanouir. Elle a retrouvé ce rôle de maîtresse de maison qu’elle chérit tant, avec toutes les corvées que cela implique, l’obligeant à une constance discrète ; et nous apprenons, au fil des jours, à choisir parmi les traiteurs de Lausanne les mets que nous préférons et qui composent désormais notre table familière. Dans ce cadre modeste, le travail qu’elle accomplit impose à mon regard une admiration silencieuse, presque grave.

    Sur le plan professionnel, je me découvre apaisée: le travail, dense et multiple, se déploie sans cette tension sourde qui pesait sur nous en France. Ici, je ne me débats plus contre des exigences contraires ; je suis là pour accomplir ma tâche, m’inscrire dans une équipe, afin qu’ensemble nous œuvrions à offrir aux patients les conditions de soin les plus dignes possibles. Je m’attache désormais à assimiler, un à un, les points obscurs que le hasard de mes expériences met sur ma route ; mais l’effort d’absorption se fait moins pressant, moins touffu qu’autrefois. Je viens tout juste d’entamer ma thèse: il n’est pas aisé de l’inaugurer sur l’écran de mon laptop, dans cet espace réduit qui m’enserre. J’hésite à troubler Chloé lorsqu’elle est en télétravail ; aussi, je me réfugie souvent dans mon bureau à l’hôpital, où je trouve un ordinateur de bureau qui me permet de mieux travailler. Vous me direz que j’ai le temps (trois ans) mais je préfère avoir du temps en fin de thèse plutôt que de terminer celle-ci dans le bus le jour du dépôt.

    Même si notre blog se veut l’expression d’une vie partagée entre femmes sans provocation, nous ne nous accoutumons jamais aux injures que nous recevons. Elles reviennent, obstinées et brutales, comme un ressac : elles n’ont pas pour dessein de discuter mais d’effacer, de réduire notre présence au silence et à la caricature. Ces paroles – “sale pute”, “je vais te casser en deux avec ma queue”, “tu as sucé pour réussir”, “retourne à la cuisine” – semblent surgir d’un passé qui ne désarme pas, répétant la même haine sous des formes à peine renouvelées. Par périodes, pour des raisons obscures, cette hostilité s’exacerbe ; comme si l’ordre du monde imposait encore de nous rappeler à une prétendue condition, à ce lieu subalterne où l’histoire patriarcale voudrait nous maintenir.

    Il est fréquent que l’on nous envoie une phrase aussi choquante que celle-ci : « Je vous encule toutes les deux. » Cette formulation est manifestement maladroite sur le plan grammatical. Au présent de l’indicatif, elle n’a pas de sens clair. Au passé composé, on pourrait dire : « Je vous ai toutes les deux enculées », ce qui indiquerait que l’action est déjà accomplie. Au futur : « Je vous enculerai toutes les deux », qui peut ressembler à une menace ou à une promesse selon le contexte. Au présent, la phrase suggère une action en cours, ce que la situation de Chloé et moi réfute. Bonne chance pour expliquer cela aux gens des banlieues !

    Une autre petite anecdote, que Chloé aime beaucoup que je raconte en famille : cela se déroulait dans les couloirs de la fac à Paris : un étudiant me crie « Gouine ». Je me suis retournée en lui tendant la main et en lui disant : « Enchantée, moi, c’est Clotilde ! »

    Plus sérieusement ; nous voilà au XXIᵉ siècle, que l’on dit éclairé ; mais il n’en est rien. La misogynie persiste, tranquille, comme un fond d’air vicié que nul ne dissipe. Les responsables politiques détournent les yeux : à les entendre, “les hommes ont toujours fait ainsi”, “les femmes n’ont qu’à se débrouiller”. Voilà le vieux refrain par lequel on retarde indéfiniment l’urgence de l’égalité. Or je suis persuadée que les solutions ne peuvent venir que d’un ordre collectif et de décisions assumées ; mais comment croire à une volonté politique quand tant d’hommes au sommet de l’État, sous le vernis du pouvoir, se trouvent compromis dans des affaires d’abus et de violence sexuelle. Face à ce spectacle, je mesure combien la route demeure longue: encore des années de silence, d’inertie et d’aveuglement, avant que se fissure ce mur d’indifférence et que soit enfin reconnue la violence infligée aux femmes comme l’injustice fondamentale qu’elle est.

    On pourrait commencer par reconnaître, avec une lucidité obstinée, ce que l’on nomme communément les clichés : ces bestioles tenaces qui, comme des mauvaises herbes, semblent reprendre vigueur à travers les générations. Le premier cliché, celui qui se joue d’un couple lesbien : Laquelle des deux tient le rôle de l'homme qui “porte la culotte” – expression bien phallocrate et patriarcale –, mérite d’être mise à nu. Or, il faut le dire sans pudeur : le principe même d’un couple lesbien est, précisément, l’absence d’homme. Deux femmes qui s’aiment – et chacune avec sa singularité, son goût, sa volonté – ne sauraient être le prélude d’une lutte contre le sexe opposé ; elles sont simplement deux personnes qui choisissent leur chemin.

    J’ose dire, peut-être décevant pour certains, que ce qui unit deux femmes ne réside pas dans une hiérarchie, mais dans l’accord et le refus du destin tout tracé. L’amour entre nous ne se réduit pas à une répartition des rôles, mais à une rencontre fondée sur la projection réciproque d’une liberté partagée, sur la reconnaissance de l’autre comme sujet et non comme objet.

    Deuxième stéréotype : être lesbienne ne signifie pas être misandre. Nous ne faisons pas partie d’un auguste club secret, ni d’un complot contre la masculinité. Je bannis d’emblée ce fantasme paranoïaque : être lesbienne, c’est être une femme et aimer une autre femme sans haïr les hommes. Nombre de lesbiennes ont des frères, des pères, des amis masculins qu’elles chérissent et respectent. Parce que l’amour et l’amitié ne se président pas à l’aune d’une orientation sexuelle. Et la conclusion est simple : les lesbiennes n’aspirent pas à une domination universelle ; elles désirent simplement vivre leur vie, libre et tranquille, au cœur de leurs choix et de leurs combats propres.

    Troisième stéréotype: penser que la sexualité entre femmes n’existe pas ou que ce n’est pas du « vrai sexe ». La prégnance du patriarcat dans le champ de la sexualité, où les hommes sont perçus comme garants de la jouissance et du plaisir, mérite d’être interrogée. Je ne développerai pas ici la phrase qui m’arrive trop souvent : « c’est parce que t’as jamais eu une bonne queue entre les jambes ». La sexualité entre femmes est bien réelle et contribue à une diversité de pratiques ; je vous laisse découvrir celles-ci par vous-même via internet, si le cœur vous en dit.

    Revenons à notre vie lausannoise : 
    Je m’emploie à organiser une visite guidée de Lausanne ce week-end. Ce n’est pas seulement la curiosité qui nous y pousse, mais une exigence plus profonde: pénétrer dans la trame invisible d’une cité dont les murs, les places et les monuments racontent une longue fidélité aux générations disparues. Conduits par une guide, nous irons à la rencontre du patrimoine, de l’architecture, de tout ce qui subsiste comme témoignage d’un monde façonné avant nous. Nous ne cherchons pas seulement à voir, mais à comprendre ; à laisser l’histoire du lieu nous traverser afin qu’à travers elle nous puissions habiter plus justement cette terre nouvelle. Je pense que cela est indispensable pour s’intégrer totalement à notre nouvel environnement et à notre nouvelle vie.

    A vous tous, je vous souhaite une excellente semaine.

    A Bientôt,
    Chlo & Til 

    Aucun commentaire:

    Enregistrer un commentaire